La sonnerie du lycée retentit. La vingtaine d'élèves sort de la classe sans traîner. Ils sont tous heureux que le cours soit fini, mais pas moi. Non pas que les mythes sur la naissance de Rome ou les déclinaisons latines me passionnent, mais mon professeur, Monsieur J., me fascine.
Encore adolescent, et sans doute en retard de développement par rapport aux autres garçons de mon âge, c'est la première fois que je ressens une telle attirance pour un homme. Il a une calvitie avancée, des cheveux grisonnants, le ventre bedonnant et une vieille malette au cuir râpé qu'il trimballe partout avec lui. Rien de bien sexy pour la plupart des gens. Mais au-delà de ses rides et de son visage un peu rond, moi je vois la pétillance de son regard et l'intelligence qu'il dégage. Je sens une érection naître dans mon pantalon. Discrètement, je replace mon sexe dans mon slip pour ne pas que la bosse soit apparente.
C'est sa dernière année d'enseignement, il doit donc avoir dans les 62 ou 64 ans. J'en ai presque 50 de moins...
La classe est maintenant quasiment vide, mais je fais exprès de traîner pour ranger mes affaires. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine. Je sais au fond de moi que je n'oserai jamais lui parler. Moi, l'adolescent au front boutonneux qui peine à prendre la parole sans rougir. Nos regards se croisent. Il me sourit mais, au lieu de sourire en retour, je baisse les yeux. J'ai honte de mes sentiments envers lui et, surtout, je n'envisage même pas qu'un homme aussi âgé puisse éprouver un quelconque intérêt pour un adolescent aussi quelconque que moi.
Je mets mon sac sur mon dos et je passe devant son bureau, murmurant brièvement un simple "au revoir Monsieur". Il ne me répond pas et me laisse partir de son cours.

Durant toute l'année scolaire, j'ai soigneusement tenté de me rapprocher de lui. Je me souviens encore de son haleine, lorsqu'il allait d'élève en élève pour expliquer les subtilités de certains textes antiques. Je faisais semblant de l'écouter, approuvant ce qu'il me disait par de simples hochements de tête, mais je m'imaginais dans un lit avec lui, nos deux corps enlacés et fusionnant l'un dans l'autre.
Parfois, j'approchais ma main de la sienne et, lorsque je parvenais à obtenir un simple contact avec l'un de ses doigts, mon corps tout entier frissonnait de désir.


Tout a basculé en ce mois de juin. Le ciel était d'un bleu limpide et le conseil de classe était passé... Tous mes camarades de classe décidèrent qu'ils pouvaient bien se passer d'un dernier cours de latin. Je recevais des quolibets - et, il faut bien le dire, beaucoup de mépris - des autres élèves quand ils apprirent que j'allais tout de même en cours. J'étais le seul, et cela m'arrangeait bien.

Monsieur J. arrive avec quelques minutes de retard. Je l'attends en face de la porte de la classe, le regard perdu dans mes pensées. Il est surpris de me voir seul.
- C'est que... Je crois bien que les autres ne viendront pas... dis-je d'un ton mal assuré.
Il prend un air contrarié, puis son visage s'illumine :
- Qu'à cela ne tienne, te voilà bon pour un cours particulier !
J'avais rêvé de ce moment depuis des mois. Mon manque de confiance en moi m'empêchait pourtant d'en profiter. Je me forcais à lui sourire, et il me sourit en retour. Malgré ses dents abîmées et jaunies, je trouvais son sourire magnifique.
Je pénètre après lui dans la salle de classe et je referme la porte derrière moi. C'est un geste anodin, mais lourd de sens. Je sais très bien que tout entretien en tête à tête avec un adulte doit se faire la porte ouverte, pour éviter tout problème.
Je m'installe à la table la plus proche de son bureau, en priant pour qu'il ne se relève pas pour la réouvrir. Non, il ne se relève pas. Quand je remonte la tête, je me rends compte qu'il me regarde.
- Pour ce dernier cours de l'année, on va peut peut-être oublier le latin, tu es d'accord ? me dit-il en souriant.
- Oui, bien sûr...
Je ne peux m'empêcher de bredouiller, évidemment.
- Parle-moi donc un peu de toi.
Je ne comprends pas tout de suite le sens de sa question. Mais il tend le bras et serre ma main dans la sienne.
- Tu es mon élève préféré depuis de longues années, tu sais. J'aimerais te connaître un peu mieux.

Pour la première fois de ma vie, je me sentais libéré. Mes complexes, mes problèmes f ...

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